Les opérations de fusion-acquisition représentent un moyen incontestable pour le développement des entreprises. Ils offrent des avantages stratégiques tels que la neutralisation de la concurrence, la diversification de l’offre, la réduction de certains coûts et l’accélération de la croissance. Toutefois, ces opérations comportent également des risques non négligeables, avec un taux d’échec estimé entre 50 et 60%. Il est donc essentiel de minimiser ces risques à travers les trois grandes étapes du processus de fusion-acquisition pour maximiser les chances de succès.
1. La phase préliminaire d’acquisition : une étape déterminante
L’un des défis les plus significatifs lors de l’acquisition d’une entreprise est le risque financier. Ce risque est principalement lié aux divers coûts qui accompagnent l’achat.
Ces coûts incluent généralement :
- le prix d’achat de l’entreprise ;
- les frais juridiques ;
- les coûts liés à la due diligence ;
- et les dépenses de restructuration post-acquisition.
Ces dépenses cumulées peuvent exercer une pression considérable sur les finances de l’entreprise acquéreuse.
Pour mitiger ce risque, il est essentiel que l’acquéreur bénéficie du soutien et de l’approbation de sa banque concernant le projet d’acquisition. Sans cet appui financier, l’opération risque d’échouer, notamment lors de la phase critique de la signature de l’accord de cession.
Un exemple marquant de l’importance de la planification financière lors des acquisitions est l’achat d’Alcatel-Lucent par Nokia en 2015, pour un montant de 16,6 milliards de dollars. Cette acquisition visait à renforcer la position de Nokia sur le marché des équipements de télécommunication, afin de rivaliser avec les géants tels que Ericsson et Huawei.
Cependant, une évaluation errronée de la valeur d’Alcatel-Lucent, comme le souligne un article de Reuters, a entraîné d’importantes pertes financières pour Nokia. Ces pertes ont été concrètement illustrées en 2018, lorsque Nokia a dû déprécier la valeur d’Alcatel-Lucent de 1,7 milliard d’euros, ce qui provoqua inévitablement des licenciements massifs en France.
Dans le cadre de telles opérations, l’accès à l’information est indispensable. Une acquisition, dite hostile, peut limiter la transmission d’informations de la part du vendeur, contrairement à un processus où le vendeur partage ouvertement des détails sur ses activités. La due diligence* en phase de pré-acquisition joue un rôle essentiel dans l’assurance d’une transmission efficace des informations.
En fait, la due diligence avant l’acquisition permet de vérifier diverses informations clés, telles que :
- la santé financière de l’entreprise cible ;
- la répartition des ventes par type d’activité ;
- la nature des contrats ;
- etc.
Cette étape préalable peut prévenir les surprises désagréables pendant le processus de reprise.
Des enquêtes d’intégrité et de réputation sur l’entreprise, son management ou même certains des tiers avec lesquels elle est en relation doivent être prises en compte. Elles visent à s’assurer qu’il n’y a pas d’informations négatives (réputation négative, présence sur des listes de sanctions, citations dans des affaires de corruption, etc.) pouvant remettre en cause l’opération et faire changer d’avis l’acquéreur.
De plus, il est important de comprendre le mode de fonctionnement de l’entreprise cédée, notamment :
- son organisation ;
- son positionnement commercial ;
- son marché ;
- la qualité de son service ;
- et de ses produits.
En somme, dès les pré-acquisitions d’une opération de fusion-acquisition, il faut installer un environnement adéquat à une cession saine. Cela signifie l’implication des experts externes, tels que des cabinets d’avocats, des comptables, des cabinets de conseil et des auditeurs afin d’évaluer les aspects financiers, juridiques, fiscaux et commerciaux de la cible.
2. La phase de signature : gestion efficace du processus de fusion-acquisition
a. Risque de Non-réalisation des Synergies Attendues
Les opérations de fusion-acquisition sont souvent motivées par la recherche de synergies, telles que des économies d’échelle ou des avantages stratégiques. Cependant, il existe un risque que ces synergies ne se matérialisent pas comme prévu, ce qui pourrait compromettre la rentabilité de l’opération.
Pour atténuer ce risque, il est important de réaliser une analyse approfondie des synergies potentielles avant l’opération.
Il est également important de mettre en place des mécanismes de suivi pour évaluer régulièrement les risques identifiés et les progrès réalisés dans l’intégration des entreprises. Cela permet d’ajuster les stratégies en fonction des nouvelles informations ou des imprévus.
b. Objectif de l’Opération
Le but de toute opération de fusion acquisition n’est pas simplement d’ajouter les capacités des deux entreprises, mais de les multiplier en créant de nouvelles opportunités.
Cela peut inclure l’ouverture à de nouveaux marchés, l’accès à de nouvelles ressources ou la réduction des coûts grâce à des économies d’échelle.
c. Responsabilités Fiscales
Les opérations de M&A comportent des implications fiscales complexes, notamment en ce qui concerne :
- les gains en capital ;
- les pertes fiscales reportables ;
- les crédits d’impôt ;
- etc.
Des erreurs dans l’évaluation de ces aspects peuvent mener à des passifs fiscaux inattendus.
Il est donc important d’effectuer une évaluation précise des implications fiscales avant de conclure l’opération. Il est également necessaire de consulter des experts fiscaux pour s’assurer que tous les aspects fiscaux sont correctement gérés et optimisés.
3. La phase après acquisition
La phase la plus complexe pour un repreneur est la gestion post-acquisition. Une fois l’entreprise acquise, il doit déployer des stratégies adéquates pour assurer sa stabilité et l’adapter aux nouvelles exigences.
Ce processus inclut plusieurs défis majeurs :
3.1. Risque d’incompatibilité culturelle des entreprises
Durant une fusion acquisition, le risque d’incompatibilité d’entreprise est celui qui fait échouer le plus d’opérations.
En fait, l’intégration de deux cultures d’entreprise différentes peut entraîner :
- des conflits ;
- une perte de productivité ;
- et une fuite des employés.
Pour minimiser ce risque, il est essentiel de mener une évaluation culturelle préalable et de planifier une stratégie d’intégration soigneusement conçue pour faciliter la collaboration entre les équipes. Si les différences sont trop fortes, l’entreprise ciblée n’est peut-être pas celle qui correspond à votre entreprise.
Un exemple parfait de cette situation est la fusion en 1998 entre l’allemand Daimler et l’américain Chrysler. Considérée comme la plus grande fusion de l’histoire industrielle, elle s’est révélée être un échec moins d’une décennie plus tard, principalement en raison des importantes différences culturelles.
Cela a entraîné une diminution de la valeur du groupe par rapport à celle de Chrysler avant la fusion.
3.2. Risque opérationnel
Concernant le risque opérationnel, l’intégration des opérations et des processus de la cible peut être complexe et rencontrer des obstacles imprévus.
Pour réduire ce risque, il est recommandé de développer un plan d’intégration détaillé qui identifie les synergies et les domaines d’optimisation, tout en minimisant les perturbations opérationnelles.
Cela implique par exemple de vérifier la compatibilité des logiciels utilisés, et de désigner une équipe chargée de la mise en œuvre de l’intégration et de la réalisation des objectifs fixés.
3.3. Risque de perte de talents clés
Les employés clés de la cible pourraient être réticents à rester après l’acquisition, ce qui pourrait entraîner une perte de compétences et de connaissances critiques.
Pour minimiser ce risque, il est recommandé d’identifier et de retenir les talents clés, ainsi que de mettre en place des incitations pour les motiver à rester.
Dans un premier temps, il faut identifier les talents que la cible détient afin de mettre en place une stratégie de rétention de ces derniers.
3.4. Risque de désintégration post-acquisition
Une intégration mal gérée peut conduire à la désintégration de la cible, ce qui pourrait résulter en une perte de valeur et de performances.
Pour éviter cela, il est nécessaire de prévoir :
- une communication ouverte ;
- une gestion proactive du changement ;
- et une planification minutieuse de l’intégration.
En amont, il est important d’établir des indicateurs clés de performance (KPI) afin de mesurer la synergie entre les deux entités et la valeur ajoutée créée par la fusion.
En résumé
Pour conclure, une diligence approfondie, une planification minutieuse, une communication efficace et une gestion proactive du processus d’intégration sont essentielles pour minimiser les risques associés aux opérations de fusion-acquisition.
Une diligence permet de savoir ce qu’on achète pour éviter d’hériter de problèmes. Travailler en étroite collaboration avec des conseillers financiers, juridiques et opérationnels peut également aider à identifier et à gérer ces risques de manière adéquate. La communication entre les différents acteurs d’une opération M&A est ce qui permet sa réussite.
*due diligence : Une due diligence consiste en un état des lieux préalable à la conclusion d’une transaction.